blog de François Coupry

Vilaines Pensées 122 :
Des habits pour la princesse, s’il vous plaît

V

Il était une fois un royaume perdu dans les montagnes d’Andalousie, dont le roi ne parvenait pas à réaliser ses plans de réforme et satisfaire ses sujets. Sa fille avait atteint l’âge de se marier ; à l’ombre des eucalyptus et devant les champs d’oliviers, il annonça ouverte la chasse aux prétendants.
Pour les choisir, un moyen paraît-il moderne avait été instauré depuis des siècles. Les candidats au mariage et à la succession paradaient de villes en villages blancs : à leur passage les populations exprimaient leurs sentiments en criant Hou ! Bof ! Bravo ! Bah ! Bigre ! Et autres opinions que des émissaires officiels écoutaient, jaugeaient et comparaient sur des graphiques élégants dont les courbes montaient ou descendaient.
D’ordinaire, gagnaient les prétendants des mêmes familles, habitués à courir les dots, alliés à des manipulateurs d’applaudissements et à des organisateurs professionnels de claque. Mais, cette fois-là, il se produisit un phénomène inédit dans l’histoire du royaume et la même étrangeté d’ailleurs se fit jour dans les royaumes alentour : par goût curieux du changement, on hua les plus beaux et les mieux préparés, tandis que les plus modestes se laissaient applaudir, inquiets de ces faveurs inattendues.
Si bien que ne restèrent en lice que ceux sur qui l’on n’aurait point misé une peseta ; qui avaient omis de bien se laver, d’aller chez un bon barbier ; et qui, même s’ils se devaient donc d’affirmer qu’ils étaient les meilleurs, n’en revenaient pas de se retrouver aux avant-gardes.
Le roi fut bouleversé par ce retournement. Il décida de réunir ces prétendants inaccoutumés pour leur montrer sa fille, espérant qu’ils fuiraient à toute jambe, redonnant leur place aux fils de familles, mieux habitués aux surprises : car si cette princesse était bien sûr plus belle que l’aube ou que l’aurore, elle était vêtue de haillons, de guenilles, sans nulle pantoufle de verre ou de vair. Ce qui en racontait long sur les efforts à fournir pour redresser les finances. Mais, au lieu de s’enfuir, ces prétendants nouveaux et originaux, se mirent, en concurrence, à créer les plus jolies robes et les plus ravissants atours, sans savoir où ils trouveraient des sous pour les parures, les dentelles, les bijoux incrustés et les finitions.
— Les humains veulent toujours changer l’ordre des événements, se disaient des aigles au-dessus des précipices et des chênes. — Pour mieux renverser les traditions, ils s’imaginent qu’il suffit de cacher l’Histoire sous un nouveau costume. — Pauvres humains !

Ajouter votre commentaire

blog de François Coupry

Archives

Articles récents

Commentaires récents

Catégories