blog de François Coupry

Vilaines Pensées 127 :
Jeux d’actions, jeux d’élection

V

Il était une fois, dans un État confidentiel coincé entre l’Ouzbékistan et le Turkménistan, un vieux roi qui aimait jouer en Bourse, et qui, proche de la mort, songea à sa succession, les prétendants ne manquaient pas. On en tua quelques-uns, également trop vieux, n’en demeura que sept, mais qu’importe le nombre, seules comptaient leurs idées d’avenir.
Or, pour les départager, on voulut faire appel à l’expression démocratique des cours de la Bourse. Les idées d’avenir étaient proposées telles des actions, leurs achats ou leurs ventes paraissant bien plus purs et beaux que les trafics sordides sur le cours de l’or, la cote des productions d’avions, de céréales, de nains de jardin ou d’habits pour adolescents à la mode.
Les investisseurs de capitaux, les spéculateurs s’en donnèrent à cœur joie : seconde après seconde, dans la salle du trône de cet État, les résultats des cours s’affichaient sur les ordinateurs, le suspense devint haletant.
Le 10 mars, l’idée d’économiser sur les médicaments et de rembourser les dettes monta en flèche, aussitôt on vendit ses parts, ce qui la fit reculer de cinq points. Le 12 mars, on transféra les capitaux sur l’idée de promettre à tous dès la naissance une vache et un champ, mais la mayonnaise ne prit pas. Et les options s’éparpillèrent entre l’idée d’une préférence d’amour pour les natifs du territoire et celle d’une révolution au profit des déshérités qui supprimeraient les jeux en Bourse, mais aucune cote ne décolla. Si bien que le 15 mars, afin de ne pas disperser ces investissements dont les scores semblaient trop volatiles, on se précipita vers l’idée plus neutre d’un équilibre entre la liberté d’entreprise et une contrainte de redistribution équitable, idée qui immédiatement se haussa de dix points. Si bien qu’il fallut donc la faire baisser en la vendant : car, on le comprend, la tactique était d’acheter au dernier moment, à la date du 23 avril, l’idée la plus faible, afin d’épaissir la sauce et de lui permettre de prendre le pouvoir tout en multipliant les bénéfices. Ce que les électeurs avaient cru saisir lors de récents scrutins aux résultats imprévisibles.
Le roi de la Bourse s’affola. D’autant plus que personne ne savait qui étaient ces investisseurs-électeurs, d’où ils venaient, et s’ils connaissaient bien les impératifs et les nécessités de cet État. Alors notre roi décida de clôturer les opérations boursières et de choisir en monarque absolu.
— C’est dommage, s’affligeait un canard dans la mare : les humains savent que tout est problème d’achat et de vente, mais ils ne parviennent pas à accepter cette terrible évidence, les pauvres !

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