blog de François Coupry

Vilaines Pensées 129 :
Lettres Persanes, I

V

Lettre d’Usbek. Paris, un jour de la lune de mars. Après mon voyage en bateau à voile vers Smyrne, j’ai pris l’avion pour la capitale de la France, dans le dessein de contempler cette campagne électorale dont jusqu’en Chine on parle. Ayant entendu quelques ironies de la part de connaissances parisiennes, je précise que chez nous, en Perse, en Iran, il y a aussi des élections démocratiques et que si notre civilisation est plus ancienne que l’Europe elle n’est point forcément réactionnaire ou archaïque. Ceci posé, il me faut confesser un étonnement : ici, nul candidat ne parle de religion, sauf à brandir sa neutralité, quand chez nous la relation de l’État avec Dieu revient dans tous les propos électoraux. Ce silence me semble trop outré pour être sincère, alors que l’on remarque des églises à chaque coin de rue et que des mosquées sans cesse s’érigent. Il peut paraître que je manie fort bien la langue de ce pays, mais je dois avouer un malentendu qui brouilla mes premiers pas à Paris. Je crus que le suffixe « on », au bout des noms des quatre principaux candidats masculins, signifiait, en un argot de connivence, qu’ils appartenaient à des castes secrètes. De telles subtilités résident en langue japonaise. Mais non, me dit-on, ce ne sont que hasards d’état civil. Y a-t-il des hasards ? Ainsi découvris-je peu à peu les aventures délirantes de cette campagne acharnée, en cette terre que je ne connaissais que par les livres. Et voilà que l’autre jour je suivis une procession, dont le nombre des participants variait selon les commentateurs, et qui allait de la place de la Bastille à celle de la République. Est-ce parce que ces mots ravivaient en moi des souvenirs scolaires de l’histoire de ce pays ? Quand j’entendis l’orateur que cette foule portait, exhorter le petit peuple à prendre le pouvoir contre les riches multinationaux et les banquiers profiteurs, j’imaginai qu’un sournois voyage dans le temps m’avait transporté dans le Paris de la Révolution de 1789. Mais non, me dit-on, ce sont les idées les plus actuelles, de 2017. Comme si le temps se répétait, se révolutionnait lui-même. J’espère que bientôt je vais mieux comprendre le réalité de ce qui se passe ici — et te raconter, ô Téhéran, le fin fond des illusions ! (A suivre)

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