blog de François Coupry

Vilaines Pensées 130 :
Lettres persanes, II

V

Lettre d’Usbek. Paris, un autre jour de la lune de mars.
On voit, dans la capitale de la France, un agacement perpétuel, comme si les gens non seulement n’étaient point à l’aise en leurs diverses conditions mais de plus insatisfaits de la façon dont les candidats officiels à cette présidentielle désiraient les améliorer.
D’ailleurs, personne n’est content en Europe, on vous bouscule sur les trottoirs, on vous toise avec un air de défi si vous êtes étranger, si vos costumes ne sont pas à la mode d’occident. Et je pense que la France a renoncé à trouver plaisant un candidat, d’autant plus que, par un jeu trop élémentaire pour être saisi par un oriental, lors des premières sélections des différents partis politiques la population a rejeté les figures tutélaires qui depuis des années régnaient à tour de rôle sur cette république.
Ce qui a créé un vide dont nul ne se réjouit, quand bien même chacun fait mine d’applaudir à ce sentiment de nouveauté dont ce pays, qui se targue d’être un modèle, proclame la constante nécessité.
Et il me vient l’idée qu’aucun prétendant ne souhaite exercer un pouvoir à l’Élysée, idée que je n’énonce que du bout des lèvres à mes amis d’ici, lors que je te la susurre à l’oreille — ô Roxane restée en Iran.
Les candidats, à tour de rôle, commettent, et comme en pleine conscience, des erreurs grossières, impensables et impardonnables même dans les jeunes démocraties. L’un a oublié qu’il avait payé son épouse pour un travail incertain, révélation qui le rend muet quand il prône des efforts et de la rigueur morale. L’autre paraît donner raison successivement aux propositions des adversaires, au nom du bien public, ce qui rend son image évanescente, bien que gracieuse. L’autre affirme des positions trop belles ou futures pour être aujourd’hui admises, quand un autre, dont j’ai déjà parlé, répète des formules enivrantes mais archaïques. Quant à la seule dame de ce chœur elle a pris soin de maintenir en ces propos une clause d’isolement monétaire qui ruinerait le pays et que la majorité refuse : ainsi que ces concurrents, elle semble tout faire pour échouer.
Sans doute, est-ce trop difficile de gouverner un pays qui ne croit plus en lui : les prétendants ont des visages de chiens battus, de chats égarés.
Mes amies et mes amis d’ici me disent que je me trompe, qu’un étranger ne peut comprendre, et comment peut-on être persan ? — mais je vais continuer, ô Téhéran, à te raconter le fin fond des illusions. (À suivre.)

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