blog de François Coupry

Vilaines Pensées 131 :
Lettres persanes, III

V

Lettre d’Usbek. Paris, les premiers jours de la lune d’avril.
Il y a chez les Français, sur leurs télévisions, des chaînes qui en continu informent. Elles vous racontent à chaque minute ce qui advient de par le monde. De mauvais esprits prétendent que lorsqu’il ne se passe rien il faut inventer, on leur rétorque qu’il se manifeste toujours quelque chose, ne serait-ce que justement et significativement rien.
Des érudits, sur ces écrans, sans cesse commentent, analysent l’actualité, et j’ai eu le malheur d’évoquer qu’en Iran sans cesse des religieux d’Islam également interprétaient, on m’a remis avec dédain à ma place : un étrange Persan qui ne saurait comparer deux civilisations.
En ce temps de campagne présidentielle, à tout moment ces commentateurs s’activent et surtout brandissent les nombres d’intention de vote, ayant sondé la population. Ainsi l’on sait, maintenant, que le petit prince qui plait à chacun parce qu’il partagerait avec tous, arrive en tête avec la seule dame parmi les candidats, mais que cette dame sera dépassée et délaissée en définitive : de peur de me faire encore remettre à ma place, je m’abstiens de m’interroger sur cette galanterie que pourtant la France se targue de représenter en ses ronds de jambe.
Néanmoins je me pose une question que je susurre à toi seule — ô Roxane restée en Iran : l’ensemble des habitants est-il bien informé de ces analyses et de ces chiffres, va-t-il bien voter dans le sens de ce résultat prévu et presque certain, n’y a-t-il pas quelques sots qui négligent d’être à l’affût de ces sondages et risquent de tricher par ignorance ?
Demeurant prudent, je m’aperçois toutefois que ma question est partagée. Une angoisse s’installe dans les âmes. Car depuis plus d’un an des résultats inattendus, la rupture des Anglais avec l’Europe, la surprise de l’élection d’un Américain excentrique, ou, ici, l’accession aux candidatures partisanes de personnes imprévues, prouveraient que les jeux ne se cristallisent qu’au dernier instant. Et que, comme lors de courses de chevaux, on peut voir surgir un trotteur sur qui l’on a pas misé, et qui dépasse à l’arrivée les favoris fatigués. Les derniers seront les premiers, n’est-ce point cette prière d’équité qui enflamme l’esprit chrétien de ce peuple ?
Je pars pour la province, où peut-être l’on a un autre œil qu’à Paris, pour continuer – ô Téhéran – à te narrer le fin fond des illusions. (À suivre)

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