blog de François Coupry

Vilaines Pensées 139 :
Un débat sur les débats

V

Longtemps, j’ai haï les débats ; et me suis couché de bonne heure.

Souvent, avec hauteur, j’ai pensé : quand, lors d’un débat, je verrai l’un des acteurs changer d’avis au cours de ces échanges, je pourrai croire à l’utilité sociale de cet exercice narcissique — où chacun se doit de demeurer sur ses positions, sans jamais entendre l’adversaire.

Mais, l’autre jour, des circonstances historiques m’ont conduit à supporter un fameux débat : une malade caricatura à l’extrême ce genre de joutes stériles, ricanant pour déstabiliser le rival, ressassant les mêmes phrases pour convaincre, mentant ouvertement pour s’imposer, persistant et persifflant en une outrance affligeante ; face à elle, un jeune homme martelait sa raison, son savoir, pointant les erreurs, tentant de mettre de l’ordre dans un bric-à-brac de perlimpinpin, ne pouvant échapper à ce dialogue de sourd, évitant de foutre une paire de baffes que de bons pensants auraient pu taxer de comportement sexiste.

Or, ce débat fut moins stérile que d’ordinaire, le sens de l’histoire fut modifié par ce dialogue de sourd : notre jeune homme modéré et raisonnable fut élu Président du pays où ce cirque tonitruant se déroula.

Et ce fut la seule rixe verbale à l’issue de laquelle je ne regrettais pas que l’un des adversaires n’ait point changé d’avis ! Et même, cela me plut ; et je m’en réjouissais : comme quoi, il ne faut jamais se targuer d’avoir des idées préconçues… Car, ce qui auparavant m’avait plu, et déjà attiré vers ce jeune homme, c’est justement sa capacité à admettre que ses interlocuteurs puissent ne pas avoir forcément tort.

Oui, sa capacité à se situer au centre des oppositions traditionnelles, prenant à chacun ce qui semble juste, sans vouloir arbitrairement aboutir à une synthèse molle et consensuelle — mais plutôt en laissant les différences trouver leur équilibre et leur devenir ; en marche. Et au cours de débats antérieurs, notre jeune homme avait eu l’audace de transgresser le genre, ayant osé dire à ses concurrents : « Là, je suis d’accord avec vous », ce qui parut inadmissible — à tel point qu’il fut parfois bêtement accusé par les ronchons de flou chronique et d’opportunisme.

Évidemment, cette forme de gouvernance nuancée et pragmatique inspire les sarcasmes de tous les vieux qui croient qu’un pays ne trouve son chemin que sous les coups de machette d’opinions tranchées. Car cette déroutante révolution démonte d’abord l’une de nos idées reçues : les thèses catégoriques et radicales seraient l’apanage de la jeunesse, quand seuls les vieux connaîtraient la sagesse.

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