blog de François Coupry

Vilaines Pensées 147 :
Le droit de naître dans la dignité

V

Certaines ironiques puces se moqueront si je dis — ce qui est pourtant la pauvre réalité — que je suis la perruque du juge Andrew, quelque part dans la campagne anglaise, verte. Mais si je parle du cas d’Amélia Boc, on me prendra au sérieux car l’affaire fit mondiale sensation.
Il faut savoir, chers extraterrestres, que les chapeaux, dont font partie les perruques, sont les choses les plus près des crânes, et donc des sueurs, des tressaillements de la cervelle : ainsi ai-je été aux premières loges, lors du procès d’Amélia, en ce coin perdu du Kent.
Certes, le mot « laid » serait relatif, selon une naissance européenne, asiatique ou africaine, et il n’y a point d’universalité déclarée, mais il y a des limites tacites et humaine : cette fille de seize ans les dépassait toutes en horreurs et difformités — elle qui accusait ses parents de ne pas l’avoir tuée dès la minute où elle sortit du bas-ventre de sa mère !
Soyons réalistes : une perruque ne possède pas d’œil, je ne peux donc précisément décrire Amélia Boc. Mais une perruque a des racines chevelues et nerveuses qui analysent au plus profond les sentiments. Et je compris en un millième de seconde la panique qui saisit les pensées du juge Andrew : il craignait qu’Amélia désigne ses parents comme les honteux responsables de sa monstruosité physique — ce qui poserait des tas de questions que l’humanité n’a jamais su résoudre, faut-il accepter l’étrange et l’extraordinaire ? Doit-on admettre qu’un être ne soit pas conforme à une morphologie admissible ? Peut-on intégrer le répugnant ? Oui, autant de problèmes auxquels ni l’amour, ni la compassion ne pourraient répondre, quand n’importe quelle maman animale délaisse ses dégénérés.
Heureusement, l’avocat d’Amélia Boc remit sur ses pieds le débat : l’accusation ne portait que sur le seul fait d’avoir osé faire un enfant quand on est sans ressource en un monde terrestre de plus en plus précaire, guerrier, intolérant, où seuls quelques rares élus trouvent de quoi vivre, et au milieu d’une nature de plus en plus dévastée, polluée.
Alors, je ressentis la chaleureuse délivrance et le soulagement moral du juge Andrew qui sans état d’âme condamna les parents — à quoi ? À mort ? Je ne sais, les perruques sont sourdes aux sons qui ne proviennent pas des crânes qu’elles ornent… Toutefois je sais que ce ne fut point à cause d’un complexe héritage génétique, mais pour avoir procréé sans pouvoir transmettre un confortable héritage financier et culturel.

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