blog de François Coupry

Vilaines Pensées 149 :
Comment revenir du paradis ?

V

En juillet dernier, un juge, qui avait eu la responsabilité de beaucoup d’affaires délicates, mais qui avait été blâmé en de nombreuses occasions, voulut se légitimer, en avoir le cœur net : mourir.
Ou bien, évidemment ? La mort effacerait tout, et surtout ses remords ; ou bien, qui sait ? Il découvrirait enfin outre-tombe les solutions, en une vie posthume : enfermant sa tête dans un sac, il se suicida par manque d’air.
Alors, il eut des séries de surprises. D’abord, au contraire des idées rationnellement admises, il n’oublia rien et se retrouva dans un vrai Au-delà. Ensuite, avec stupeur, il s’aperçut que ce paradis – ou cet enfer ? – ressemblait aux images les plus enfantines, sinon puériles : les innombrables morts humains portaient des robes blanches, parmi des nuages également blancs, et semblaient béats. Enfin, au bout de quelques pas et quelques conversations, il comprit que ces âmes, à l’inverse des vivants, ne mentaient jamais ; si bien qu’il continua son métier, enquêta.
Parmi les multitudes ensoleillées, il croisa et interrogea des témoins des affaires instruites durant son existence terrestre, ainsi que certains êtres condamnés grâce – ou à cause ? – de ses directives. Il eut la confirmation du bien-fondé de grand nombre de ses accusations… mais aussi la confirmation de grand nombre de ses erreurs judiciaires : quand ainsi la Vérité, en ce paradis – cet enfer ? – se dévoilait par la bouche pure et les mots évidents de ces âmes délivrées des apparences et des complexités cérébrales des sociétés humaines.
L’horreur advint quand enfin il rencontra le sujet de l’affaire très médiatisée qui avait envenimé sa vie, l’enfant noyé dans les eaux d’une rivière. L’âme de l’enfant le regarda, et lui rappela que c’était lui, le juge, qui l’avait étranglé et noyé ; et puis qui avait brouillé sa propre enquête, pour oublier un geste qu’il ne pouvait assumer.
Aussitôt, notre brave juge, dont tout le passé terrestre revenait à la mémoire, voulut fuir ce paradis, cet enfer trop beau, pur et blanc : il pensa que si, mort, il se suicidait, il reviendrait à la vie.
Pensée absurde : enveloppant sa tête et sa bouche d’un sac blanc trouvé parmi les nuages blancs, il ne se réveilla point de nouveau dans son appartement terrestre, il demeurait toujours parmi les âmes pures !
On n’échappe pas au paradis, surtout s’il est beau.

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