blog de François Coupry

Vilaines Pensées 126 : Du déplaisir des décisions

V

Il était une fois, en des temps futurs, une impératrice chinoise d’une vallée de l’Himalaya, aux ongles longs et aux yeux en amande, qui changeait de maîtresse tous les cinq ans : elle proclama ouverte la liste des prétendantes, il ne s’en présenta que deux, très jolies dit-on.
En ce minuscule empire, il n’y avait plus de mâles, ce qui est de bon goût et plus simple à gérer. Ces êtres souvent sales, barbus et qui laissent des gouttes, s’étaient réfugiés à l’étranger, chez les sauvages.
C’était un empire oisif : seuls les robots, seules les machines numériques travaillaient, cultivaient le riz, produisaient des bols, calculaient les gains et les répartitions. Ainsi les champs autour des villes se trouvaient encombrés d’ordinateurs qui manœuvraient des bras métalliques, des chaînes de montage et d’emballage, tandis que des hélicoptères programmés à distribuer les aliments montaient et descendaient automatiquement.
La coutume voulait que les prétendantes à la fonction de maîtresse impériale puissent émettre des vœux. Parfois pieux, disait-on.
Or, il advint que l’une des deux prétendantes exprima le souhait de changer, et d’ouvrir les frontières afin de réaliser le désir secret de beaucoup de villageoises : aller retrouver les mâles dispersés dans le monde, ou bien les faire revenir sur le territoire de l’empire, pour connaître de nouveau les joies des passions, des conflits, les bêtises masculines du commerce et de la concurrence, et autres frétillements.
Au contraire, et à l’encontre des susdits désirs secrets, la deuxième prétendante envisageait de renforcer les protections ancestrales contre les dangers du pouvoir viril, de s’isoler encore plus et de jouir davantage des complicités locales, puisant dans les réserves de sperme congelé pour garantir la pérennité, rejetant définitivement les compétitions masculines.
L’impératrice écouta les deux points de vue, mais ne trancha pas : car la coutume voulait que les machines numérisées élisent elles-mêmes la gagnante, future amoureuse, en inscrivant son nom sur les écrans des ordinateurs. Or, il advint qu’aucun nom ne s’afficha, comme si les robots laissaient aux seules humaines le choix de leur avenir, ce qui parut inadmissible, une révolte saugrenue qui affola la population.
— Nous, s’énervaient des pinsons, quand on veut s’envoler devant un chat, on le fait sans demander conseil. — Mais les humains ont la maladie de chercher partout des remplaçants ou des substituts pour décider et agir à leur place. — Pauvres humains, pauvres humaines !

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