blog de François Coupry

Vilaines Pensées 132 :
Lettres persanes, IV

V

Lettre d’Usbek. Limoges, un jour de la lune d’avril.
À force d’entendre la France se vanter d’être centralisée, je m’imaginais qu’il n’y avait qu’une seule vraie ville, Paris, en ce pays. Aussi fus-je surpris de voir à Limoges, pourtant décrite par mes amis poètes parisiens comme un coin perdu, des immeubles, des avenues, des transports, des commerces : on se serait cru boulevard Saint-Germain.
Toutefois, quand à la capitale les belles âmes comparent cette campagne électorale à une succession de surprises, avalanche de procédures de justice, bouleversement des alliances, élimination possible des partis classiques, et quand on s’attend avec avidité à d’autres surprises, en province ce sentiment me semble davantage tempéré : on trouve dérisoire cette agitation qui ne correspondrait pas aux graves soucis de l’heure, et l’on s’accorde hélas à songer que rien ne va changer, que les questions demeureront sans réponse, dans l’indifférence, la fatalité.
Néanmoins, les candidats organisent sans cesse, en ces provinces, des réunions de foule, en des lieux dédiés aux chanteurs de variété. Alors, avec stupeur, je constate que d’innombrables personnes, qui la veille ruminaient leur déception, surgissent et s’amassent en brandissant des drapeaux, comme tout à coup illuminées de foi. Et les mouvements de ces drapeaux, les applaudissements, scandent les propos des orateurs en une inquiétante ferveur qui m’étonne sur cette terre qui serait celle de la raison. À toi seule — ô Roxane restée en Iran — je peux confesser que cela me rappelle avec angoisse notre pays, où souvent on est obligé d’être enthousiaste, de même qu’en d’autres nations encore moins démocratiques et plus fanatiques.
Cependant, on m’affirme qu’il ne s’agit point de manipulation, mais d’un spectacle, comme aux États-Unis d’Amérique.
Si ce n’est qu’un spectacle, et pourquoi pas ? il me faut admettre que les acteurs jouent mal : ils ne savent pas interpréter la sincérité et la spontanéité de leur rôle, ils en font trop ou pas assez pour nous émouvoir, ils récitent et parfois se trompent de texte. Seule la salle joue bien, mais en exagérant des réactions qu’elle ne peut profondément éprouver.
Sur cette déception je termine, mais continuerai — ô Téhéran — à t’exposer le fin fond des illusions. (À suivre.)

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