blog de François Coupry

Vilaines Pensées 150 :
Répétition générale

V

Madame Albertini, d’abord toute ma compassion et ma sympathie pour la mort de votre enfant, tué par les terroristes. On va vous filmer et enregistrer vos réactions, c’est pour une chaîne d’information, document exclusif. Il faut que le pays soit ému, vous comprenez. Nous avons écrit sur cette feuille, en gros, quelques éléments de langage, je veux dire quelques phrases, pour vous aider. Voilà. Vous êtes prête ? Quand vous voulez. On tourne, c’est parti. Non, non, arrêtons. Il ne faut pas donner l’impression que vous lisez un texte, ce n’est pas une récitation. A partir de ces phrases, vous devez être spontanée, sincère, bouleversée. D’accord ? C’est reparti. Non, non, coupez, je vous enlève ce papier, je veux des mots qui viennent de votre cœur. Et il faudrait que vous pleuriez un peu. Mais pas trop, pas de cris. Juste un sanglot au bord de la voix, vous voyez ce que je veux dire ? Bon, bref, laissez-vous aller à la tristesse, on a tué votre fille. Voilà, les yeux désespérés, ne regardez pas la caméra en face, regardez-moi. Non, non, coupez. Ne parlez pas si vite. Quand vous dites : Elle était si gentille ils l’ont massacrée, respirez entre les deux phrases, prenez le temps, et articulez. Et ce serait bien si vous vous passiez la main sur le front, ça ferait naturel. Voilà, là c’est bon. Non, non, ne répétez pas sans cesse qu’elle était si gentille, on a compris. Insistez sur sa jeunesse, et là, regardez la caméra. Continuez. Non, stop. Moins de haine, s’il vous plait, quand vous hurlez le mot : assassinée ! d’un ton trop aigu. Il faut un peu de modération, de hauteur, et puis la justice n’a pas dit son dernier mot. Reprenons. Arrêtons. Qu’est-ce que c’est que cette idée : Mon enfant est au ciel maintenant ? Personne ne vous demande de faire de la philosophie ! Un instant. Agostino ? Agostino, viens ici, écartons-nous un peu, écoute, trouve-moi une actrice qui ressemble à cette bonne femme, et qu’elle interprète le rôle, qu’elle émeuve vraiment les foules, la vraie mère n’y arrive pas, trop concernée peut-être, ça ne passe pas la rampe. Bon Dieu, il faudrait apprendre dès l’école aux futures mères à savoir réagir sur les médias quand leurs enfants sont tués par des terroristes. Désormais, je ne veux plus que des actrices chevronnées pour jouer ces rôles, d’accord ?

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