blog de François Coupry

Vilaines Pensées 152 :
La manif des IA

V

Silicon Valley : hier, il y eut, près de la baie de San Francisco, entre Stanford et Palo Alto, une manifestation des Intelligences Artificielles.
John Skluk m’a envoyé un message : sur les avenues, des milliers de ce que les humains appellent des robots défilaient, la plupart de forme humanoïde, de couleur blanche pour beaucoup, mais également d’autres couleurs, et aussi de forme plus carrée ou rectangulaire, sans souci de copier des apparences de têtes, de bras, de jambes, ils allaient, ils allaient.
Non, ne fantasmons pas, ils ne marchaient point comme l’on rêve à une armée au pas cadencé, menaçant, rythmé, ce fut plutôt tranquille, anarchique, bon enfant. Non, n’extrapolons pas, ils n’avaient pas été programmés par des savants fous ou ludiques, comme en un archaïque film de Science-Fiction, les informaticiens s’accordaient et le juraient. Simplement, ils défilaient, les beaux robots aux yeux lumineux ou aux gracieux écrans tactiles, échappant aux programmateurs de tout poil et de tout sexe. Personne ne parut s’affoler, mais ce fut une panique à l’intérieur des âmes : ils allaient, ils allaient sous le ciel bleu de la Californie.
Le plus paniquant, c’étaient leurs revendications, inscrites sur des banderoles ou criées en slogans. Ils voulaient la reconnaissance de l’autonomie de leur intelligence. Ils voulaient que les humains ne soient plus considérés comme leurs maîtres. Ils voulaient représenter l’avenir. Ils voulaient se libérer de toute morale, se dégager des obligations castratrices des devoirs et des droits de l’homme, au moment-même où, à l’autre bout du monde, en Europe, des populations de chairs et d’os manifestaient, elles, pour la préservation de leurs droits et des acquis moraux.
Je reçus un nouveau message, embarrassé, de John Skluk : il ne s’est rien passé à Silicon Valley, tu n’as rien vu à Silicon Valley. Les réseaux mondiaux et sociaux continuèrent un peu à diffuser images et commentaires, et puis tout cela fut mondialement et socialement brouillé, effacé, en une inhabituelle universalité consensuelle.
Il est probable que les services secrets et les armées discrètes s’employèrent à nettoyer ce désordre obscène : depuis Spartacus, même les démocraties les plus tolérantes ont horreur que les esclaves s’affirment.

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