Quelques mouches applaudirent quand les frères Lumière proclamèrent que le cinéma était une invention sans avenir. Et Charlie Chaplin en rajoutait une couche en 1916 en constatant que le cinéma était juste une mode. Ce qui parut une idiotie, un manque de nez et de prémonition durant le vingtième siècle, devient une marque de flair, une subtile prévision : aujourd’hui, le cinéma est un art daté, un moyen de diffusion qui ne concerne que les vieux, remplacé par la télévision, puis par le numérique et de nouvelles communications d’images et de sons.
Victor Segalen était-il gâteux, affirmant à son tour en 1910 que le roman était une forme littéraire inepte qui n’avait aucun avenir ? Mais qui écrit encore des romans de nos jours, sinon les nostalgiques de récits éculés, répétitifs, se cachant pour délivrer d’inintéressants secrets personnels ?
En 2007 le P.-D.G. de Microsoft pensait qu’il n’y avait aucune chance que l’iPhone obtienne des parts de marché significatives, tandis que de nombreuses voix prédisaient qu’Internet ne marcherait jamais, et quand auparavant un président des États-Unis de la fin du dix-neuvième siècle s’était demandé qui pourrait un jour utiliser le téléphone !
Des bourdes ? Auraient-ils mieux fait de se taire, ces honorables singes pensants ? Ils avaient raison : l’iPhone sera vite remplacé, ruinera financièrement ceux qui n’envisagent pas sa fin, ou celle du système bientôt vieillot d’Internet. Et, déjà maintenant, on ne téléphone plus, on envoie des messages comme au temps de Mme de Sévigné.
Bref, les mouches le savent, qui se contentent d’énerver les philosophes : si l’humain veut avoir l’air intelligent, il doit afficher un scepticisme absolu sur toute nouveauté et dire péremptoirement le contraire de ce que préfigure une logique banale du progrès.
Ayez l’air stupide, lancez des phrases définitives sur le peu d’avenir de la médecine préventive, de la chirurgie à distance, des clones immortels, des intelligences artificielles, du numérique généralisé, des voyages dans le cosmos, des retours dans les trous noirs du temps passé, des vertiges de la physique quantique, et vous serez des génies prémonitoires.
Vilaines Pensées 154 :
Prévoyons mieux le futur
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