blog de François Coupry

Vilaines Pensées 190 : Et Brecht, aujourd’hui ?

V

Il n’y a pas très longtemps, c’était une seule et même personne – que nous avions surnommée par dérision Shakespeare – qui écrivait les discours du Président et les réponses critiques, violentes, des syndicats, des partis d’opposition. Je ne sais si ces pratiques ont changé, mais au moins les choses, alors, étaient claires, admises, programmées, sans surprise.
Chacun dans son rôle – car c’était bien d’un théâtre qu’il s’agissait ; et l’on admettait mal l’improvisation. Les choses ont pu changer, on parle maintenant de sincérité, mais pour l’heure je ne vois pas la différence.
C’est toujours d’un théâtre qu’il s’agit, un vieux théâtre classique – aristotélicien disait le camarade Brecht – qui prône sur scène l’imitation du réel et surtout l’identification. L’identification aux personnages, voilà la maladie chronique des récits médiocres, des romans de quatre sous, du cinéma de boulevard, d’un art pauvre : on voudrait se retrouver, ressasser son quotidien, au lieu de le questionner ; et de se mettre à distance.
Oui, cette maladie, on la voit à l’oeuvre dans le théâtre de la politique : un type ou une typesse qui souhaite se faire élire doit jouer sur ces artifices, la candidate ou le candidat doit s’identifier à celles et ceux qui peuvent adhérer à ses projets, en imitant leurs idées préconçues, leurs désirs, leur niveau de langage – on va taxer cela de démagogie, de populisme ; et si ma phrase est alambiquée, c’est la faute à la parité correcte.
Ainsi parlait mon ami Piano, y ajoutant un zeste d’ironie :
« J’ignore si mon petit-fils, Clavecin, a lu Brecht, ça m’étonnerait, mais il applique ses idées de lutter contre l’imitation stérile et les illusions de l’identification. Il le fait avec élégance, en se proclamant trans-humain ; en jouant la comédie, bien sûr, comme tout un chacun, mais en prenant comme référence, au lieu du réel ordinaire d’une tragédie classique, la liberté échevelée d’un dessin animé où l’on se transforme, s’aplatit, s’allonge, devient fauve ou fusée – et où l’on propose n’importe quoi…
« Se présentant à des élections, mon Clavecin proposa ce qu’aucun vote ne pourrait approuver : l’interdiction définitive de toute information, de la communication, des discours, du dialogue, des échanges, du mensonge.
« Eh bien ! il fut élu député, ce bon fada ! Comme quoi, ou bien les pratiques ont décidément changé, on se méfie de la démagogie, des paroles vaines et correctes, on préfère le distance, l’intelligence ; ou bien, tout ce cirque, et mes propres mots, n’ont en définitive aucune importance. »

Ajouter votre commentaire

blog de François Coupry

Archives

Articles récents

Commentaires récents

Catégories