blog de François Coupry

Vilaines Pensées 193 : Révolution dans les révolutions ?

V

Depuis des milliers d’années, nous manifestons. Régulièrement, nous occupons les chemins, les rues, nous brandissons des fourches ou des hurlements inscrits sur des pancartes, nous lançons des cailloux, des pavés, nous brisons des portes, nous bousculons les gardes, les policiers, ce que nous disons être les signes du Pouvoir. Nous réclamons du pain, la fin de l’esclavage, la liberté, l’équité devant la Loi, nous exigeons la diminution des impôts qui nous saignent. Nous allons, nous crions, nous pillons les réserves de blé, les banques, les opulents magasins, nous luttons contre les riches. Parfois, petit à petit, nous obtenons gain de cause, il y a moins d’esclaves, on a admis que nous étions tous libres, mais nous allons toujours, dressant des barricades, agitant des drapeaux rouges. Nous avons réussi à remplacer le gouvernement des aristocrates par celui des bourgeois commerçants et démocrates, mais ce règne des boutiquiers et de l’argent ne nous convient pas plus, et nous manifestons toujours. Nous avons réussi quelquefois à remplacer la dictature des bourgeois par celle des ouvriers, du prolétariat, mais le règne des bureaucrates nous a déplu, et nous avons continué à manifester régulièrement, le lundi ou chaque samedi, nous le peuple délaissé, sans bien savoir qui nous étions, pour avoir la parole, sans bien savoir qu’en faire si nous l’avions, nous allons sans cesse, dans le plaisir douloureux de la violence, agitant des drapeaux jaunes.
— Arrêtez (murmura M. Piano, au milieu d’une manifestation) : votre stratégie est nulle. Si vous ne manifestiez plus, les gouvernements, quels qu’ils soient, seraient désorientés, tomberaient les uns après les autres, se demandant où sont les ennemis, où est passé le peuple, car, sans l’idée de secourir les pauvres, les élites deviendraient obsolètes ! Mais vous n’oserez jamais vous priver de vos adversaires par le mépris, les éliminer en les oubliant, les anéantir en ne vous révoltant plus.
— D’autant que (ajouta soudain Clavecin, le petit-fils de M. Piano, se changeant en Dragon) vos adversaires ne seront bientôt plus des rois, des députés, des présidents ou des technocrates que l’on pourrait tuer en les négligeant, mais des trans-humains comme dans les dessins animés.
— Tais-toi, crétin, tu m’empêches d’être utile, fit Piano exaspéré, et la manifestation continua, nous brûlâmes des poubelles.

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