blog de François Coupry

Vilaines Pensées 196 : L’aigle de Xi (3)

V

A peine arrivé au palais de Pékin pour assister la famille Piano, je vis entrer Xi Jinping, dans la grande salle maintenant couleur émeraude.
Le maître de la Chine eut un sursaut devant M. Piano transformé en panda, qui gueulait et dont personne ne comprenait la langue, le petit-fils et sa mère soudain déguisés en Chinois d’opérette, comme les Dupondt à la page 45 du Lotus bleu, et Madame Piano qui ressemblait de plus en plus à Mme Fenouillard. Heureusement Xi fut rassuré par la présence de son aigle ex-humain, qui parlait tous les idiomes, à part le patois de Piano.
L’aigle traduisit la pensée secrète de Xi, « C’est quoi, ce cirque ? », avant de traduire son discours officiel sous les battements des tambours :
« Etrangers, bienvenue. Vous vouliez connaître la Chine, vous allez être servis. Longtemps, j’ai étudié l’Histoire du pays racontée par les livres et colportée au monde, puis j’ai consulté les archives des diverses dynasties et des gouvernements : eh bien, rien ne concorde, pas plus que les morceaux éparpillés de la Grande Muraille, dont il semble impossible de réunir les fragments dans une cohérence architecturale, politique, militaire. Mes amis, l’Histoire officielle de la Chine est fausse, comme s’il était impensable de la narrer, même grâce à la complexité des idéogrammes. Tout est faux, et je ne suis pas certain qu’il y eût une Longue Marche, que Mao eût une quelconque existence ou s’il ne fut que la compilation hâtive de divers personnages, un peu comme votre Shakespeare ou votre Molière. L’histoire chinoise est une fiction, et moi le Maître actuel je n’ai jamais, par exemple, programmé l’emploi d’images numériques qui enregistreraient les visages des milliards de mes sujets, fantasmagorie aujourd’hui affichée comme vérité, trop belle pour être vraie, mais que je me garderai bien de démentir, car elle garantit la beauté de ma politique. Toutefois, si j’affirme de tout est faux, n’oublions pas que cette affirmation est forcément fausse.
« Et, de plus, qui vous dit que l’aigle traduit fidèlement mes propos, quand vous ignorez tout du chinois, de même que vous ignorez la langue des pandas ? Qui vous dit qu’il n’invente pas n’importe quoi, tout en ayant l’audace de persévérer à traduire, avec aplomb, les doutes que j’émets sur la sincérité de sa traduction. Adieu, camarades, bon séjour en Chine. »
— Ayaaaaououou, awawawa ! fit Piano-panda, pour rajouter un vertige et un abîme dans les malentendus, l’impossibilité radicale de communiquer, surtout par le truchement des interprètes… (A suivre)

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