blog de François Coupry

Vilaines Pensées 199 : Et Dieu, dans tout ça ?

V

Samedi après samedi, comme pour un déjeuner de famille, nous avons marché avec nos gilets assez laids à Paris, en province, nous avions peur de mourir si cette habitude cessait, et nous étions vieux, bien vieux.
Les confrontations avec la police, exister dangereusement, l’exaltation, les cris nous rajeunissaient, nous revivions notre jeunesse dans les années 1965-1975, mais ce n’était plus du tout la même histoire. Autrefois, nous manifestions avec nos cheveux longs pour créer une société révolutionnaire, belle, vibrante, inventive, au delà des réalités, tandis qu’aujourd’hui, avec nos barbes blanches, nos crânes décatis, nous hurlons contre les lourds impôts et nos incessants soucis d’argent.
Et quand ces marches actuelles nous entraînaient vers nos souvenirs d’antan, elles réanimaient aussi les remugles archaïques de l’Histoire, les acrimonies contre les députés, les policiers, les journalistes, les psychiatres ou les banquiers, et ces slogans contre les Juifs, les Arabes, les Chinois.
Certes, avec l’âge, nous avions compris que les peuples ne gouvernent rien. Et que le seul désir ardent qui demeurait des revendications de notre jeunesse, une démocratie directe et immédiate, ne serait qu’un voeu vite édulcoré. Et pourtant, nous les vieux, nous continuions à gueuler, à gesticuler, comme pour retarder indéfiniment la mort.
La mort qui, cependant, avec l’énervement, l’agitation, la fatigue, les courants d’air des avenues ou des ronds-points, nous rattrapa. Et voilà que très étrangement nous nous retrouvâmes tous au paradis.
Affolés, nous pûmes croire un moment que nous rêvions, mais quand on est des milliers à rêver la même chose on nomme cela la réalité : un paradis aussi archaïque que nos humeurs et nos slogans, un paradis comme dans les pieux livres d’antan, des nuages blancs et des anges, des chants de béatitude et un Dieu au sommet de cette éternité des âmes.
Ainsi, nous les vieux de l’Histoire, soit-disant issus du siècle des lumières, nous avions été trompés même dans nos visions généreuses, les croyances que nous piétinions étaient véridiques. Nous nous sentîmes humiliés. Surtout en apprenant que ce Dieu réunissait sous son Nom la Chrétienté, l’Islam et le Judaïsme : toutes nos fièvres de mortels étaient stériles, tous nos combats des aveuglements, et nous ne pûmes que chanter avec les séraphins, retrouvant ainsi une jeunesse enfin infinie.

Ajouter votre commentaire

blog de François Coupry

Archives

Articles récents

Commentaires récents

Catégories