John F. Norman, à Baltimore, mâle officiellement reconnu comme tel, accoucha. C’est aujourd’hui considéré comme banal, normal.
Mais, en ce monde de la communication, beaucoup de citoyens humains ignoreront jusqu’en 2029 que certains porteurs de pénis pouvaient également posséder un utérus, et ce qu’il faut en leur ventre pour créer un bébé : les traditions, la paresse des idées toutes faites, et les sympathiques revendications féministes prônant leur identité, leur originalité, retardèrent longtemps la divulgation de cette révolutionnaire réalité.
Donc, John F. Norman accoucha, et nul docteur averti n’y remarqua une quelconque étrangeté. Toutefois, l’extraordinaire d’un phénomène jusqu’ici inconnu secoua le monde scientifique : il accoucha de sa propre mère ! Ce qui bouscula davantage les traditions et la paresse des idées toutes faites.
Mon ami Mario Piano attira mon attention sur ce bouleversement d’une chronologie encore admise. Et me montra des documents, probants.
Lorsque la fille de John F. Norman eut cinq ans, ce brave homme eut l’idée de comparer une photo de cette gamine avec celle de sa propre mère au même âge. La ressemblance était telle que le père, disons le père-mère, obtint l’autorisation judiciaire d’exhumer sa propre génitrice, morte, comme par hasard, cinq ans auparavant. On retrouva au fond d’une tombe, où tout pourrissait lentement, des bouts de peau des doigts : c’étaient les mêmes empreintes digitales que celles de sa fille ! Oui, ce mâle avait accouché de sa mère, il fut à deux doigts d’en mourir.
A cette époque, Piano venait d’accepter une chaire à l’université de Naples où il enseignait les mutations vertigineuses de l’humanité, mais il refusa de disserter en public sur cet accouchement à rebours du temps.
Pourtant, en secret, il m’avoua que, comme pour rétablir l’ordre classique des choses, John F. Norman viola sa fille, disons sa mère, dans l’espoir d’avoir un enfant qui serait lui-même ! Mais, je sens que j’affole trop l’éventuel lecteur, à rebours de sa tranquillité : non, non, oublions ces abîmes trop ardus, notre monde se porte bien, l’Angleterre fait son Brexit, la Chine gouverne l’économie, les Islamistes s’organisent, l’Europe se demande qui elle est, Trump coiffe sa tignasse jaune, les cultures humaines tuent la moitié des vivants, le futur doit nous sembler radieux.
Vilaines Pensées 201 : Les vertiges de la génétique
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