blog de François Coupry

Vilaines Pensées 204 : Éloge des anges gardiens

V

On sait que les femmes et les hommes qui ont un rôle public, possèdent un coach personnel qui les conseille nuit et jour. Un communicant, dit-on aujourd’hui. Un ange gardien, disait-on autrefois. Cet être de l’ombre, parfois démoniaque, prépare leurs propos, leurs bons mots, les habille, les coiffe, répète avec eux leurs mimiques, peaufine leurs sourires et va jusqu’à leur imposer des maîtresses, des amants. Ainsi sont-ils exempts de tout souci, libérés des vicissitudes de l’improvisation, de la spontanéité.
Chaque ange gardien est rétribué par les médias d’information continue, qui redoutent la fantaisie et surtout les calamités de l’inattendu.
Toute personne, maintenant, dans notre société de la convivialité, étant publique, ces anges ne sont plus uniquement réservés aux députés, aux présidents, aux riches, aux patrons, aux affairistes internationaux : même les « petites gens », comme il ne faut plus dire, ont démocratiquement droit à leur communicant personnel. Ainsi, après une vie agitée, ai-je l’honneur de conseiller un ouvrier, l’un des derniers représentants d’une caste qui porta longtemps les espoirs de nos civilisations industrieuses.
Je lui apprends à paraître, non ce qu’il est vraiment, mais quelqu’un du peuple, je l’habille selon les codes en vigueur, un léger négligé dans sa tenue, sa coiffure. Je lui enseigne à ne point tomber dans le misérabilisme, tout en ayant l’air de ne pas être trop préparé, ou apprêté, et de garder sa légendaire gouaille. Et je veille à l’efficacité de ses paroles, lors de ses révoltes, de ses manifestations, où il doit savoir prononcer, avec une douleur qui ne doit pas sembler feinte, ni maladroite, la phrase fatidique : Je m’appauvris jour après jour, avant la fin du mois je n’ai plus un sou, j’ai honte de ne pas pouvoir nourrir mes nombreux enfants.
Si le monde entier admet que l’être humain n’est qu’un acteur sur une scène, je reçus des menaces de mort, car l’insincérité du bon peuple est un sujet tabou. On menaça même les lecteurs de cette confession.
Aussi, je retire ce que je viens de raconter, me cantonnant ces prochaines semaines à rapporter les révélations vertigineuses d’un âne astrophysicien, qui pourront être davantage jugées comme politiquement correctes.

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