Donc, moi, Tengo-san, si le moi d’un chien est pareil à celui d’un humain, j’accompagne mon serviteur à deux pattes, depuis ce qu’il nomme une éternité, sur cette Terre. Même quand j’hésite souvent entre certains mots, je peux maladroitement communiquer avec cette race qui se croit la seule à penser. Mais le moi d’un chien est différent de celui d’un humain.
J’ai entendu dire qu’un humain avait été (considéré ?) (consacré ?) comme malade, car après chaque battement de cils il voyait un autre paysage. On l’enferma chez les fous, paraît-il. L’humain veut une cohérence sans faille, il organise les choses en un avant, un pendant et un après, mots étranges, et il supporte mal qu’un pont change de place par rapport à la rivière, il lui faut une logique continue. Nous les chiens, au contraire, nous pensons par (fragments ?) (bribes ?) (broderies ?), et redécouvrons à tout instant avec bonheur des paysages oubliés, mouvants.
Avec leur habituel mépris, les humains disent que nous les animaux nous vivons dans l’immédiateté. Eux, ils disent être dans la (médiateté ?) (distance ?). C’est sans doute parce que, au lieu de prendre un os, comme ça, sans histoire, ils le troquent avec un caillou, ils appellent cet échange un commerce, ce qui leur donne un sentiment constant d’irréalité. Car si un caillou égale un os, un bout de papier peut égaler une maison, on est dans le n’importe-quoi. Les humains se compliquent la vie.
Ils se la compliquent encore plus en (fabriquant ?) (trafiquant ?) de faux os pour les échanger contre des faux cailloux. Ils prétendent qu’ils jouent, que tout est comédie, (simulacre ?), (canular ?), et ont l’orgueil de croire que cela bâtit leur originalité supérieure. Ils louent notre sincérité, sans remarquer que nous aussi nous nous maquillons, changeant la couleur de nos poils, nos plumes, faisant semblant d’aller à droite pour aller à gauche.
En réalité, assez souvent nous sommes semblables à eux, mais ils ne le voient pas. Ils (s’imaginent ?) (s’illusionnent ?) que nous avons l’esprit de troupeau, mais c’est d’eux-mêmes qu’ils parlent. En vérité, nous sommes infiniment solitaires, même les plus grégaires d’entre nous, même chaque fourmi dans sa fourmilière, puisque nous ne sommes pas (obnubilés ?) (obsessionés ?) par la cohérence des choses. Ce sont les humains, les pauvres, qui ne peuvent pas se passer des autres, et vivent collés ensemble.
A SUIVRE…
Vilaines Pensées 224 : Paroles de Tengo-san (1)
V