… une autre société, celle des commerçants des bourgs alentours : ces gens-là ignoraient l’existence de Voltaire ou de Rousseau, méprisaient les livres, les poèmes et les théâtres qu’affectionnaient ceux dont ils commercialisaient les créations, les viandes des élevages et les graines des céréales. Ces gens-là étaient grands, velus, avec des poils qui leur sortaient des oreilles et des chemises. Ils ne croyaient pas en Dieu, et criaient violemment leur pragmatisme avec leurs puissantes mâchoires. Si l’on doit faire de la psychologie dans un roman réaliste et simpliste, notons que c’est avec inquiétude que M. Piano côtoyait ces gens d’affaires, qui semblaient partis pour bientôt prendre le pouvoir politique, mais notons que son inquiétude était feinte : notre ami savait que dans deux...
Vilaines pensées 233 : Un Noël avec les Piano (1)
Pour le 25 décembre de cette année 2019, Mme Piano qui en avait assez d’adhérer aux élucubrations de féministes qu’elle jugeait rétrogrades dans leur désir de remplacer les mâles avec des attitudes tout autant viriles, dominatrices et bornées, vint rejoindre son époux au dix-huitième siècle. Sa fille, je ne sais plus si l’on a pensé à lui donner un prénom, vint également rejoindre le père Piano : elle aussi en avait par dessus la tête du vingt-et-unième siècle, assez de jouer à la pédégette énervée d’une fabrique de confitures aux bananes, pourtant florissante. Et le petit-fils Clavecin suivit sa grand-mère, sous la forme d’un chat de dessins animés. Quel ennui, les laborieuses généalogies des romans réalistes ! Ne me relisant jamais, ne relisant que Borges, Swift et Kafka, je ne sais...
Vilaines Pensées 232 : La nécessité de la nouveauté
A Sumer, trois mille ans avant notre ère chrétienne, on connaissait déjà le téléphone, un moyen de communiquer par transport des sons, assez semblable à celui qui sera vulgarisé des millénaires plus tard. De même que l’on trouve les prémices du numérique, et presque de Google, une façon immatérielle de transmettre des messages et de conserver des tonneaux d’informations, dès la fin du Moyen-Empire égyptien. Les travaux, on ne peut plus précis, de Boris Ward et de Bénédicte Flouad, le démontrent : les traces de ces inventions existent, ne sont nullement cachées, secrètes, on peut facilement les consulter au Caire ou dans les caves des musées de Bagdad qui ont échappé aux guerres. Pourtant, personne ne semble y attacher la moindre importance. L’oubli serait une constante de l’Histoire...
Vilaines Pensées 231 : L’avocat de l’innocent improbable
Monsieur, je suis votre avocat. Vous avez été arrêté, vous êtes convoqué devant un juge, on a reconnu votre image faciale lors d’une manifestation. Vous brisiez la vitrine d’une banque avec une sauvagerie exemplaire. Et pourtant vous venez tout juste de naître, vous êtes un bébé de trois jours. Mais la science ne peut se tromper, puisque ses errements sont les chemins de sa vérité : c’est bien vous qui brisiez la vitrine. Ce n’est pas une erreur judiciaire, la seule explication réside dans la croyance à la réincarnation : votre image faciale est celle d’un récidiviste d’actions violentes à Hong Kong, à Berlin, en Bolivie, à Paris, qui a dû être tué quelque-part, grâce aux Services Secrets, et qui s’est rapidement réincarné chez vous. Votre empreinte corporelle est nette, impossible de...