Depuis le dix-huitième siècle où il s’était réfugié, M. Piano, par la bouche de l’âne astrophysicien von Picotin, avait entendu parler des efforts médiatiques considérables de son petit-fils Clavecin pour prouver l’existence d’une pandémie virale. Il se sentait responsable : avec le chien Tengo-san, il se rendit au mois de mai 2020 par les chemins habituels. La dernière fois qu’il avait visité cette époque, en avril, les rues étaient vides, les boutiques barricadées, les transports arrêtés, les êtres calfeutrés. Mais, aujourd’hui, ce 20 mai 2020, depuis qu’en 1777 il avait stupidement prédit une rapide guérison des futures épidémies, la situation dans le monde était parfaite, les humains voyageaient à qui mieux mieux, le commerce international était prospère, on embauchait à tire-larigot...
Vilaines Pensées 244 : Clavecin super-star
Le petit-fils de M. Piano, Clavecin, s’ennuyait au dix-huitième siècle, où sa famille s’était exilée. Lui manquait le siècle brutal et abruti où il avait vu le jour. On le sait, c’est un personnage de dessins animés, se moquant des lois de la nature : d’après sa mère, il n’était point né nu, un tas de vestes, de robes, de chapeaux l’enveloppait. Faut-il croire une mère ? Revenu au vingt-et-unième siècle, en mars 2020, il sublima et poétisa son goût du déguisement, et on le vit partout de par le monde, sur les chaînes de télévision et les réseaux soi-disant sociaux, commentant une pandémie qui se glorifia d’être internationale. On le vit en journaliste de terrain, la chemise débraillée, pour recueillir les sentiments de peuples confinés par ordre des élites, et interpelant, cheveux au...
Vilaines Pensées 243 : Un cadavre au télé-travail ?
Théoriquement, je suis mort. Pratiquement, ce n’est pas sûr. Dans l’effervescence des hôpitaux lors des fameux pics, vous ne saviez plus très bien si vous sortiez de réanimation encore vivant, on ne vous disait rien. Je me suis réveillé chez moi dans un cercueil, avec ma famille autour, les Diaz et les Poquitos Hernandez, les tantes en noir récitaient des rosaires, les cousines égrenaient les noms des saintes et des saints, j’avais un chapelet entre mes doigts blancs, ma veuve ne pleurait pas, semblait bizarrement rassérénée, et don Miura, mon employeur, me secouait, meuglait : — Hombre ! tu ne vas pas t’en tirer comme ça, mort ou pas tu continues en télé-travail, un comptable ne peut abandonner son poste, tu dois achever tes calculs, finaliser le bilan annuel, surtout avec les...
Vilaines Pensées 242 : Comment modifier l’avenir dans le passé ?
Ainsi donc, M. et Mme Piano, leur fille, leur petit-fils Clavecin, l’âne astrophysicien von Picotin, le chien métaphysicien Tengo-san, depuis Noël dernier se prélassaient au dix-huitième siècle, en un château bien sûr, je n’allais pas les entasser dans une masure, fuyant un vingt-et-unième siècle trop compliqué. Mais Monsieur Piano adorait les complications. Il aimait, devant un petit public de bourgeois et de paysans, raconter un avenir qu’il connaissait, comme s’il le prédisait. Il faisait attention à ne point s’écarter de l’Histoire officielle, de sa propre expérience, mais parfois sous le tilleul à l’ombre du château il dérapait, et un jour il annonce qu’en 1940 la Camargue, en France, niera la guerre, s’isolera du reste du monde. Il dormit mal, cette nuit-là. Devant lui, von Picotin...