blog de François Coupry

Vilaines Pensées 242 : Comment modifier l’avenir dans le passé ?

V

Ainsi donc, M. et Mme Piano, leur fille, leur petit-fils Clavecin, l’âne astrophysicien von Picotin, le chien métaphysicien Tengo-san, depuis Noël dernier se prélassaient au dix-huitième siècle, en un château bien sûr, je n’allais pas les entasser dans une masure, fuyant un vingt-et-unième siècle trop compliqué. Mais Monsieur Piano adorait les complications. Il aimait, devant un petit public de bourgeois et de paysans, raconter un avenir qu’il connaissait, comme s’il le prédisait. Il faisait attention à ne point s’écarter de l’Histoire officielle, de sa propre expérience, mais parfois sous le tilleul à l’ombre du château il dérapait, et un jour il annonce qu’en 1940 la Camargue, en France, niera la guerre, s’isolera du reste du monde. Il dormit mal, cette nuit-là. Devant lui, von Picotin brayait : « Tu risques, avec tes mensonges, de perturber le futur, car la vérité n’est qu’un récit, et si le récit change, la réalité se modifie, petit homme. » Notre Piano ne dormit plus avant d’aller vérifier si ses prophéties inventées n’avaient point changé l’Histoire terrestre. Par le procédé lui permettant de voyager dans le temps, dont la description serait fastidieuse, il revint au vingt-et-unième siècle, avec son chien Tengo-san : la terre de Camargue y vivait maintenant à l’état sauvage, au contraire de ce qu’il avait constaté à l’époque ! Un réel aujourd’hui modifié par un récit reformulé deux cents ans auparavant, voilà un vertige que ni Einstein, ni les physiciens quantiques n’avaient mis en équation, les pauvres. Au lieu de devenir fou, Piano, reparti au dix-huitième siècle avec son chien ricanant, profita de l’effet de son mensonge pour rêver de pouvoir recréer totalement l’histoire des années futures, harmonie des peuples, fin des guerres entre cultures, répartition équitable des richesses. Il freina la mégalomanie de ses projets. Cependant, il ne peut s’empêcher, après un bref nouveau séjour au vingt-et-unième siècle où il crut un instant devant des avenues vides que toute l’humanité était morte, de prédire sous le tilleul et sous sa perruque que, durant le printemps 2020, un virus avait failli tuer la moitié de la population, mais que, miracle ! les médecins et les savants auront trouvé, en dix jours, la parade, tout ira bien, pas de panique. Nos lecteurs attendent avec impatience le prochain voyage de Piano et Tengo, pour vérifier la portée positive de ce nouveau récit de l’Histoire…

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