Le petit-fils de M. Piano, Clavecin, s’ennuyait au dix-huitième siècle, où sa famille s’était exilée. Lui manquait le siècle brutal et abruti où il avait vu le jour. On le sait, c’est un personnage de dessins animés, se moquant des lois de la nature : d’après sa mère, il n’était point né nu, un tas de vestes, de robes, de chapeaux l’enveloppait. Faut-il croire une mère ? Revenu au vingt-et-unième siècle, en mars 2020, il sublima et poétisa son goût du déguisement, et on le vit partout de par le monde, sur les chaînes de télévision et les réseaux soi-disant sociaux, commentant une pandémie qui se glorifia d’être internationale. On le vit en journaliste de terrain, la chemise débraillée, pour recueillir les sentiments de peuples confinés par ordre des élites, et interpelant, cheveux au vent, les dites élites sur leurs options politiques forcément inadéquates. On le vit sous divers noms, en blouse blanche, perruque et masque vert, décrire, en tant que chefesse des services de virologie d’hôpitaux régionaux, l’évolution du drame, les caractéristiques de ce qui n’était pas une grippe ordinaire, les précautions à prendre, les issues fatales. On le vit, en cravate et costume sombre, expert en économie, prévoir les évidentes catastrophes financières, développer les décisions à exploiter, chiffres et grosses statistiques à l’appui. Sans lui, qui distillait ainsi bonnes et mauvaises nouvelles tout en démontrant l’ubiquité multiple des êtres post-modernes, qu’aurait-on su de cette pandémie qui serait restée dans l’habituel non-dit des pestes, choléras et autres graves bobos régulièrement propagés durant toute l’histoire de l’humanité d’antan ? Rien. Gloire à lui, notre Clavecin tempétueux ! Mais la question que se poseront les chercheurs des siècles futurs reste ouverte : pourquoi ce fou talentueux s’est-il donné tant de mal pour analyser et raconter l’affolement mondial des populations ? Et peut-être le créer, du moins l’envenimer, le grandir, le magnifier, qui sait ? L’hypothèse que ce ne serait que pour rigoler est la plus courante. Mais, en 2029, Ablam B. Streel, lancera une nouvelle piste, qui fera écho à ce que connaissent déjà nos lecteurs : Clavecin aurait, en son effervescence, voulu réparer une erreur, ou une fantaisie, de son grand-père qui aurait transformé le réel en racontant au dix-huitième siècle que la science médicale empêcherait immédiatement la propagation d’une épidémie en l’année 2020 ! Voyons ! est-ce bien sérieux ? répéteront les âmes logiques, et ce génial et clownesque Clavecin aurait-il eu, à ce point, un sens moral ?
Vilaines Pensées 244 : Clavecin super-star
V