blog de François Coupry

Vilaines Pensées 246 : Paroles de Tengo-san (3)

V

A mieux y réfléchir, mes apparentes (maladresses ?) (hésitations ?) (approximations ?) sur les mots ne sont pas le signe d’une faiblesse par rapport à une soi-disant intelligence, mais la preuve d’une haute lucidité. Il ne s’agit que d’exprimer le chaos contradictoire de questions éprouvées au bout de la langue. Et c’est bien différent du fameux « en même temps » d’un jeune prince devenu roi d’un petit pays d’Europe, et qui regrette maintenant d’être le valet d’un discours flou qui serait aimable à tous. Moi, le chien d’Asie Tengo-san, par (compassion ?) (mépris ?) (amusement ?), je suis descendu de la montagne où je m’étais réfugié pour fuir les énervements humains. Et je regarde leurs civilisations, leurs villes blanches, leur maisons-prisons avec (l’ironie ?) (la cruauté ?) (l’amitié ?) de pouvoir redonner à ces singes une clairvoyance dont ils ne sont plus capables, aveugles qu’ils sont aujourd’hui sur les réalités de leur vie. Aveugles : car les sciences rudimentaires dont ils se targuent naïvement, déclarent que, pour nous les chiens, si nous avons bel odorat, la vision reste pauvre et faible, ce qui est totalement inexact, sinon blessant. Au contraire, nous appréhendons par les yeux beaucoup de choses qu’ils ne voient pas. Souvent, lorsqu’en laisse nous promenons nos (maîtres ?) (maîtresses ?) (esclaves ?) (danseuses ?), nous refusons d’aller vers tel ou tel coin d’une rue, et l’on s’imagine que c’est pour démontrer notre caractère têtu, ou pour quelque refus d’une domination, bref des jongleries psychologiques fort éloignées de nos préoccupations. Mais, non : si nous tirons nos laisses vers là-bas et non vers ici, c’est parce que nous (saisissons ?) (voyons ?) (savons ?) qu’en face de nous il y a ce que l’humain n’a aucun organe assez subtil pour le remarquer, comme un escalier invisible pour ses pupilles, des herbes nocives qui vont bientôt pousser, des traces encore sanglantes d’un ancien crime à la hache, le futur emplacement d’un nid de moineaux, un antique temple chinois depuis des siècles détruit, sans même parler de myriades d’insectes, de colonnes multicolores de virus, d’actuels microbes dont aucune intelligence n’a encore entendu parler, sous ses œillères. Mais comment dire cela à ceux qui, déjà, ne comprennent rien à leurs propres histoires, et dont les univers ne font que co-exister avec les nôtres ? Ainsi parlait Tengo-san, chien.

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