blog de François Coupry

Vilaines Pensées 250 : Paroles de Tengo-san (7)

V

Soyons (brefs?) (violents?) (partiaux ?) (vrais?), moi chien je le perçois tout net : les humains, à chaque instant, jouent la comédie. Je les regarde agir, je vois avec précision le sens de leurs gestes, et déjà quand ils marchent ils s’imposent un rythme qui n’est point naturel, soit très lent pour marquer leur puissance, soit hasardeux pour provoquer la pitié. A chaque rencontre avec un autre, ils ont prévu une mimique, des yeux langoureux, ou bien une colère, les mâchoires serrées, ou bien une pâleur des joues, selon ce qu’ils veulent montrer de leurs âmes, physionomies qu’ils reproduisent au moment venu devant l’autre, jusqu’au petit doigt levé ou pas, feignant une spontanéité qu’ils n’ont jamais, en grands acteurs qu’ils sont ! Nous les animaux nous préparons aussi nos grognements, les couleurs de nos plumes, mais l’humain va bien plus loin que nos esquisses. Car, ils ont eu l’audace de représenter leur monde dans des récits, du théâtre, des chants, des musiques, du cinématographe, ce qu’ils nomment l’Art. Et là je les juge (extraordinaires ?) (méprisables ?) (mes amis ?). Mais les humains imitent ces imageries qu’ils ont bâties d’eux-mêmes. A chaque instant, ils pensent : je fais comme dans tel roman, comme telle héroïne timide, comme l’amoureux de telle chanson, telle série télévisée, je suis comme Garbo dans le film en noir et blanc dont j’ignore le titre, je brûle ma vie comme tel rappeur, je tue comme tel monstre numérique. Et ils en copient les cheveux hérissés, les sourires aux dents blanches. Ce ne sont pas les comédies, les tragédies, qui reproduisent le réel, mais le réel qui reproduit les attitudes, les mouvements des bras des acteurs, en ces fictions devenues les seules véritables références de la vie humaine. Et l’on comprend mieux l’actuelle panique des créateurs, des artistes, devant la crise de la Covid qui les prive de la scène : sans spectacle, sans littérature, les humains seraient inertes, incapables de vivre, d’exprimer ! On ne peut pas ne pas jouer, chez les singes penseurs. Et, à propos de cette Covid, Piano, avec qui je parcours cette fin d’année 2020, m’apprend ce que le responsable d’un hôpital polonais lui confiait : la plupart des cas en réanimation sont des vieux qui reproduisent sur leur corps des symptômes qu’ils n’ont pas, font semblant d’avoir de la fièvre, de ne plus pouvoir respirer, de ne rien sentir, de tousser et bientôt mourir la gueule ouverte, fiers d’être de grands acteurs dans ce monde de comédiens ! Ainsi parlait Tengo-san, chien.

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