blog de François Coupry

Vilaines Pensées 251 : Paroles de Tengo-san (8)

V

Que l’humain ne puisse que jouer la comédie, faire semblant, voilà qui a déjà été déclaré par des tonnes de (philosophes ?) ( députés ?) (notaires ?), mais moi le chien je vais renifler plus loin : je louche ! Dès que je perçois l’un de ces singes pensifs, je le vois en double. Sinon en triple. Par exemple Herr Wormfield, notable plombier de Bavière, il se promène sous les érables, mais de l’autre côté de la rue je remarque un autre Wormfield qui se balade en sens inverse, et parfois il y en a un troisième. Souvent ces êtres, qui possèdent la même identité, sont dissemblables, contradictoires. Le cas le plus étonnant que j’ai croisé est celui d’Angela Works : elle commettait des meurtres, énucléant ses victimes, mais en tant que policière elle enquêtait sur (ces ?) (ses ?) crimes et arrêtait parfois la coupable, elle-même. La coupable s’échappait bien sûr du commissariat, mais on ne se trouvait point dans le conte d’un écrivain écossais, on était dans le réalité, et n’oublions jamais que tout ce qui est réel est irrationnel. L’humain se dédouble, se multiplie, et il a donc le don d’ubiquité. Voyageant parfois dans le temps, je rencontre par exemple au seizième siècle des gens que j’ai déjà connus, comme cet imprimeur d’aujourd’hui à Bogota qui fut autrefois comte en Russie, je reconnus son visage, il reconnut ma gueule. Et nous nous retrouvâmes de siècles en siècles. J’en parlais avec l’âne astrophysicien Wolfgang Amado, von Picotin pour les intimes, il m’expliqua que ces mises en abîmes étaient courantes, normales. Et, s’il n’y avait que ces (banals ?) (banaux ?) dédoublements, ou cette constante ubiquité, on serait presque dans la raison pure. Mais, au coeur de la multiplication de leurs apparitions, les humains, en mon regard de chien, offrent aussi la multiplicité de leurs apparences : ils peuvent se faire pousser des ailes, d’autres têtes, des métamorphoses végétales, être fleurs. Clavecin, le (fumeux ?) (fameux ?) petit-fils de l’ami Piano est l’un des rares singes évolués à avoir pris conscience que les bêtes comme moi voient la réalité. Il a compris qu’en ces dédoublements, cette ubiquité, ces transformations diverses, les femmes, les hommes (les hommes-femmes ?) jouent sans cesse, reproduisent leurs propres fictions, leurs imaginaires. Et c’est pour cela qu’il a la lucidité d’imiter non pas des acteurs de chair mais les libertés, les outrances délirantes des dessins animés : l’art qui dit le mieux, aujourd’hui, ces vérités mouvantes que les animaux appréhendent. Ainsi parlait Tengo-san, chien.

Ajouter votre commentaire

blog de François Coupry

Archives

Articles récents

Commentaires récents

Catégories