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Vilaines Pensées 254 : Le testament du Piano

V

Dieu existe, bien sûr, impensable d’en douter, une puissance créatrice et vive qui active les univers, l’ensemble des cosmos. Bon, mais soyons lucides : Dieu ne se préoccupe ni des existences individuelles, ni des lois politiques des agrégats éphémères des civilisations animales ou humaines, ni de l’éthique de ces peuplades agitées, ni du bien ou du mal, ni des coutumes de ces espèces vivantes, ni des récompenses ou des punitions, ni d’éventuels paradis, purgatoires ou enfers ! Dieu ne vous juge pas, ne vous jugera point s’il y a une fin des temps, il se fiche éperdument de vous, que vous soyez sur Terre par exemple mulot ou paramécie, lionne ou coronavirus, plombier ou docteur en médecine, vos existences ponctuelles ne l’intéressent pas. Et si vous le priez pour la paix dans le monde ou pour obtenir l’héritage de tante Agathe, il ne vous entendra même pas, vous êtes libres, pauvres de vous ! Dieu ne se préoccupe que de métaphysique, et vous ne vous préoccupez que de manger et d’aller aux cabinets. Dieu ne s’inquiète que de l’organisation des galaxies, des univers parallèles, des trous noirs, des matières dont la masse est nulle mais qui resurgissent dans l’espace-temps. Et s’il jette parfois l’un de ses yeux vers ces humains qui se croient proches de lui, c’est pour rire de ces savants qui pensent aller vers la vérité ! Dieu existe forcément, heureusement, mais il vaut mieux parler des Dieux. Car, bien sûr, Dieu est constitué d’une multiplicité de forces, d’entités, de puissances qui forment et déforment sans cesse le chaos universel que nul récit, mythe, ne saurait intelligemment mettre en ordre. Ainsi parlait aujourd’hui monsieur Piano devant sa famille et moi-même, sans se soucier des regards ironiques de son chien Tengo-san et de l’âne Wolfgang von Picotin. Puis, dans un sursaut d’honnêteté, il ajouta : — J’ai été maoïste, libertin, socialiste, surréaliste, sous-réaliste, cosmopolite, structuraliste, souverainiste, marxiste de droite, voyageur cosmique, fatigué de vivre, et maintenant je suis catholique hérétique. ( « Et maintenant tu es Dieu », n’osa pas penser à voix haute madame Piano, sous l’ombrelle qui la protégeait du froid soleil de novembre. )

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