blog de François Coupry

Vilaines Pensées 257 : Mon vieux Piano,

V

tu pourrais être surpris que ton camarade, le docteur Archimboldo de los Reyes, t’adresse des missives depuis le vingt-et-unième siècle jusqu’à un dix-huitième siècle où la rumeur prétend que tu t’es réfugié : le grand chien japonais aux poils de neige vient souvent me visiter en mon officine de San Fernando, au fin fond de mon Amérique latine, je lui fourre mon courrier dans la gueule, il me regarde avec mystère, s’enfuit par des voies secrètes. Je veux t’informer de la situation de panique en cette terrible année 2021, où chaque état communie mondialement dans la hantise de cette Covid 19, l’information universelle nous empêchant d’ignorer le nombre des contaminés, des réanimés, des morts, et les véroles cachées des voisins. Mon Piano, dans mon trou perdu dans le cosmos, on vient en masse me consulter, ils tournent comme des damnés, fatigués de fièvres, mâchant des aliments sans goût, oppressés des poumons, mais tous et toutes déclarent très très bien se porter, être vaillant comme feu Bolivar, péter aussi fort que leur mère, morte à cent ans sans avoir jamais vu un médecin, cette sainte. Allais-je, jour après jour, les détromper, en tête à tête dans mon cabinet ? Faire valoir ma science de docteur en médecine, dix ans d’études en faculté ? Non. Parce que je crois que la pensée magique, l’état mental, est plus probant, efficace, que les incertaines suppositions scientifiques, je les rassure, je leur baise le front, les embrasse, les serre dans mes bras, je les rassure et ils repartent réconfortés, en leurs certitudes, leurs évidences. Vont-ils contaminer, par leur souffle viral, leurs fils, leurs filles, leurs amis ? Non. Ils continuent à vivre, insouciants, heureux. Par précaution, j’envoie d’inquiétants rapports à la Direction Internationale de la Santé. Par précaution, j’expédie ceux et celles, qui paraissent vouloir renoncer à se moquer des réalités, vers les hôpitaux : on y meurt très très vite ! Je ne sais pas si je fais normalement mon travail. Mais quel est mon travail ? Guérir, même pas magie, ou élaborer des statistiques ? Ton vieil Archimboldo, que tu surnommais autrefois Archibobo !

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