blog de François Coupry

AVANT-DERNIÈRE LETTRE A PIANO…

A

Vilaines Pensées 261 : Mon frère, si tu me permets de te chérir ainsi, j’avais oublié dans ma poche ma dernière missive avant de la jeter dans la gueule du loup blanc, de celle-ci je prends soin et Tengo-san saura l’acheminer dans le beau temps d’autrefois, je désespère du présent. En ce village-hôpital de San Fernando, les confinés au fond sont heureux, soignés des fièvres et des étouffements. Ou bien, s’ils n’éprouvent nulle douleur, ils vivent dans une sereine précaution : on y enferme même les bébés, en faire des immunisés, graciés par Dieu ou les dieux, pleins d’anticorps, si l’on en croit une médecine qui doute de plus en plus. Mais, si l’on parvient à croire en quelque chose, il y a une maladie plus forte que ce sacré virus : la moitié des bienheureux préservés à San Fernando désire se déconfiner, sortir de ce paradis de maisons blanches au milieu des orangers, respirer, être libre, au risque d’attraper ou de ré-attraper la maladie – bref : agir. Agir, c’est à dire faire la guerre ! Puisque gagner, tuer l’autre, reste le principe primordial de la race humaine et des espèces vivantes sur Terre. Les déconfinés, enfin, rigolent, se fendent la poire, jouissent : on se bat avec les villages des environs, au delà des montagnes rousses ou pelées, les habitants de Buentarde contre ceux de Santa Rita, au sujet des mines d’uranium, les jeunes imberbes de Nueva Serra contre les vieux malins de Rataburna, au sujet des fameuses oliveraies, en écho aux divertissants conflits mondiaux entre la Russie, les USA, la Chine, l’Europe, la Turquie, sans parler du général Alcazar ! Mais bientôt les abeilles arrivent, des milliards d’abeilles qui viennent butiner les fleurs de ce printemps, frappent sur les vitres, peuvent nous piquer, rentrer dans nos nez si on les énerve, si on a peur d’elles, si nos gestes sont trop brusques. Et je me souviens de ce que tu me disais, ô Piano, de ces abeilles, le signe que serait leur invasion ! Et surtout, qu’elles seraient artificielles, une invention humaine ! Pire qu’un coronavirus ! Masqué, le visage couvert d’un voile, enfoui dans une combinaison d’astronaute ou plutôt d’apiculteur, me protégeant des essaims qui vrombissent autour de moi, se régalent des sucs des oranges, de nouveau je termine ma lettre dans la précipitation : des blessés sanglants arrivent des fronts des batailles, ce qui perturbe la béate organisation et les statistiques benoites de notre village-hôpital de San Fernando, au secours, Piano !

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